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Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix
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il se trouve que cette prière n’est pas de François !
Merci à Christian Renoux, historien, de nous avoir alertés sur cette question.
Et il précise que » Vous avez une bonne excuse dans votre paroisse puisque (contrairement à ce que dit la page de Wikipedia que je devrais mettre à jour) la prière a été attribuée par erreur à saint François par Wilfred Monod en 1926, à l’époque où il était pasteur à l’Oratoire ! Et cette erreur s’est ensuite répandue un peu partout à commencer par les Etats-Unis en 1927″
Vous trouverez infra une traduction d’une information complète.
Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix :
Là où il y a de la haine, que je mette l’amour,
Là où il y a l’offense, que je mette le pardon,
Là où il y a la discorde, que je mette l’union,
Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité,
Là où il y a le doute, que je mette la foi,
Là où il y a le désespoir, que je mette l’espérance,
Là où il y a les ténèbres, que je mette ta lumière,
Là où il y a la tristesse, que je mette la joie.
Ô Maître, que je ne cherche pas tant :
À être consolé… qu’à consoler,
À être compris… qu’à comprendre
À être aimé… qu’à aimer.
Car,
C’est en donnant… qu’on reçoit,
C’est en s’oubliant… qu’on trouve,
C’est en pardonnant… qu’on est pardonné,
C’est en mourrant… qu’on ressuscite à la vie éternelle.
Amen.
Attribué à François d’Assise
Peu de gens savent que l’auteur de la populaire et célèbre Prière Simple
n’est pas saint François. Au contraire, son histoire est beaucoup plus récente et remonte probablement au début du XXe siècle, tandis que sa diffusion fut quelque peu aventureuse.
La première version connue fut publiée dans le numéro de décembre 1912 de La Clochette, le bulletin de la Ligue de la Sainte Messe, par le père Esther Bouquerel († 1923). Il s’agissait d’une revue que nous qualifierions aujourd’hui de « dévotionnelle », destinée à former les membres de l’association dont le but était la catéchèse sur le sens de la participation à la messe dominicale. Elle était présentée comme un texte anonyme dans l’article « Belle Prière à faire pendant la Messe » ; nous ignorons encore aujourd’hui son auteur et sa date de création. On peut cependant supposer qu’il s’agissait de Bouquerel, car les articles du bulletin étaient généralement de lui.
La prière plut au chanoine P. Louis Boissey (+1932), abonné au bulletin, qui la publia à son tour en janvier 1913 dans le bulletin paroissial Les Annales de Notre-Dame de la Paix. En 1915, le marquis Stanislas de la Rochethulon-Grente (+1945), lecteur des Annales et proche de la Curie romaine, jugea opportun d’envoyer la prière au secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Gasparri, dans l’espoir qu’elle soit lue par Benoît XV. Le texte était accompagné d’une lettre manuscrite en français du marquis, sous ce titre manifestement inventé : Prière du Souvenir Normand au Sacré-Cœur inspirée du testament de Guillaume le Conquérant, Rouen Saint-Gervais, 9 septembre 1987. Gasparri, pour sa part, le remercia, soulignant que le pape en avait été si impressionné qu’il en avait demandé la traduction et la publication en italien à la une de l’Osservatore Romano le 20 janvier 1916. Le texte était intitulé « Les Prières du « Souvenir Normand » pour la paix », ce qui introduisait de nouvelles variantes par rapport au texte original de 1912.
Largement diffusé par l’Osservatore Romano, il fut repris par La Croix, qui le publia le 28 janvier 1916, le qualifiant de « très ancienne prière ». Retraduit en français, le texte reçut des critiques positives, car il invitait à prier pour la paix par l’intercession adressée au Sacré-Cœur de Jésus. Le frère capucin Étienne Benoît, visiteur du Tiers Ordre franciscain dans la région de Reims, imprima la prière entre 1916 et 1918 sous le titre « Prière pour la paix ».
Le texte, accompagné d’une image de saint François, expliquait comment il résumait les traits saillants du saint et décrivait la physionomie de son disciple. Enfin, il exprimait le souhait que les tertiaires franciscains de la région l’intègrent dans leur récitation dévotionnelle quotidienne, demandant à Dieu la grâce de la mettre en pratique.
Le texte attira l’attention du monde protestant français, qui considérait le franciscanisme comme un précurseur de la Réforme catholique. Le pasteur Jules Rambaud (1949), œuvrant pour la réconciliation entre chrétiens réformés français et allemands, découvrit la prière et la diffusa avec la mention « attribuée à saint François d’Assise » à des milliers d’exemplaires dans toute l’Europe. En 1927, la prière fut largement utilisée par les Chevaliers du Prince de la Paix, une organisation de pacifistes protestants français dirigée par le pasteur réformé Étienne Bach (1986). De France, le texte commença à se diffuser dans le monde protestant anglo-saxon grâce à Kirby Page, ministre de l’Église chrétienne (Disciples du Christ). Il la publia en 1936 dans son ouvrage « Vivre courageusement » et l’attribua à saint François, favorisant ainsi sa large diffusion dans les milieux protestants aux États-Unis. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des Américains, dont le cardinal Francis Joseph Spellman, archevêque de New York, en distribuèrent des millions d’exemplaires aux soldats et aux catholiques du pays. Sa diffusion fut telle qu’en 1946, elle fut lue par le sénateur du New Jersey Albert Wahl Hawkes au Sénat américain. Le moment était venu pour que la prière, attribuée à tort à saint François, se répande largement grâce à des traductions en plusieurs langues.
C’est grâce au savant français Christian Renoux que l’on a pu retracer les origines de cette simple prière. En réalité, s’il est établi qu’il n’existe aucun lien entre cette prière et saint François, on peut en revanche y trouver des similitudes avec certaines paroles du bienheureux Gilles d’Assise : «Bienheureux celui qui aime et ne désire pas seulement être aimé ; bienheureux celui qui craint et ne désire pas seulement être craint ; bienheureux celui qui sert et ne désire pas seulement être servi ; bienheureux celui qui agit bien envers les autres et ne veut pas qu’ils agissent bien envers lui.»
En 1901, dans « Durenda. Revue catholique d’art et de littérature », paraît une traduction française de ce passage : « Mais bienheureux est celui qui aime vraiment, et ne désire pas être aimé ». Comme on l’a vu en 1912 dans La Clochette paraît le texte qui, après divers passages, deviendra connu sous le nom de Simple Prière du Saint d’Assise, dont la deuxième partie dit: «Ô Maître, que je ne cherche pas tant à être consolé qu’à consoler, à être compris qu’à comprendre, à être aimé qu’à aimer». Comme le dit à juste titre le fr. Pietro Messa OFM, en comparant les deux textes, il n’y a pas d’intertextualité, ni de citation spécifique des « paroles » du bienheureux Egidio. Il existe cependant un lien entre certains termes et expressions qui les rend hautement plausibles. On pourrait donc affirmer que la Prière Simple peut être inspirée par le Bienheureux Egidio plutôt que par saint François.
En conclusion, après avoir établi que saint François n’est pas l’auteur de la prière, n’oublions pas que le 27 octobre 1986, Jean-Paul II, lors de la journée de prière et de jeûne pour la paix avec tous les représentants religieux, a choisi Assise précisément en raison de l’attribution de cette prière à saint François. La popularité du texte est confirmée par le fait qu’en 2020, plusieurs versions existent en plusieurs langues, dont près d’une centaine en français et autant en anglais. Elle a été mise en musique par plus d’une centaine de compositeurs du monde entier, récitée ou mentionnée par de nombreuses personnalités catholiques et non catholiques, et est sans aucun doute l’une des prières les plus célèbres. Le père Esther Bouquerel n’aurait certainement jamais imaginé que cette prière, publiée dans une revue de dévotion pendant la Première Guerre mondiale, connaîtrait une telle renommée et une telle diffusion mondiale.
(Père Felice Autieri)