Culte du 17 août 2025 « PARLEZ-VOUS PAR DES CANTIQUES »

Le texte de la prédication

TEXTES BIBLIQUES

EPHESIENS 5, 19 Parlez-vous par des cantiques, des hymnes et des chants spirituels ; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre cœur ;

1 CORINTHIENS 10,31  Ainsi, soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu.

ACTES 16,25   Vers le milieu de la nuit, Paul et Silas priaient et chantaient les louanges de Dieu ; les prisonniers les entendaient.

COLOSSIENS 3,16 Que la parole du Christ habite en vous avec toute sa richesse ; instruisez-vous et avertissez-vous en toute sagesse, par des cantiques, des hymnes, des chants spirituels

1 THESSALONICIENS 5, 16-19  Réjouissez-vous toujours, priez continuellement,  rendez grâce en toute circonstance : telle est, à votre égard, la volonté de Dieu en Jésus-Christ. N’éteignez pas l’Esprit,

TEXTES BIBLIQUES

PRÉDICATION Devant vous frères et sœurs je me risque à aborder le thème de la louange. Déjà, j’avais besoin je crois de constituer un diptyque. Le 27 juillet, ici même, je nous avais proposé d’explorer le mouvement et le sens de la prière, et aujourd’hui, je nous propose d’explorer une autre forme d’adresse à Dieu: la louange. La louange qui n’est a priori pas une demande mais qui est autre chose. Quoi? Cette prédication se voudra à la recherche de ce quoi.

Mais d’abord quel risque? Je me serais risqué à quoi en choisissant ce thème? …

Peut-être à me confronter à l’évidence. L’évidence, ça ne parle ni n’explique. Ni non plus ne veut se soumettre à une exploration; même modeste; même respectueuse.

Une évidence, ça aveugle et ça rend muet. Il est évident que l’adresse d’un croyant à son Dieu, quand elle n’est pas une prière, c’est-à-dire une demande, directe ou sous forme de plainte ou de confession, est une louange.

En exergue de cette prédication, j’ai cité un florilège de textes du nouveau testament. J’aurais pu en citer plus, et je reviendrai sur ces passages.

Mais j’aurais pu bien sûr aussi convoquer des extraits de l’ancien testament comme ce verset du Psaume 34,2: « Je bénirai l’Éternel en tout temps ; sa louange sera continuellement dans ma bouche.« , ou celui-ci::

Psaume 71,8 : « Que ma bouche soit remplie de tes louanges, que chaque jour elle chante ta gloire ! » ou encore cet autre: Psaume 119,164: « Sept fois le jour je te loue, à cause des jugements de ta justice. »

Pour l’instant, nous ne sommes pas dans le raisonnement. Nous sommes dans une évaluation rapide de la fréquence du genre de la louange. Mais à propos des Psaumes, il faut éviter la caricature qui représenterait le recueil des 150 psaumes à un recueil de louanges. En fait, il n’y a environ qu’une quarantaine de Psaumes qui seraient des psaumes exclusivement de louange. Tous les autres, donc environ une centaine, sont mixtes. S’ils aboutissent à la louange, ils commencent par une plainte, une demande, une narration d’expérience, une critique sociale. Dans le Psaume 62 que nous avons chanté après le temps liturgique de la louange, on entend ceci : Les êtres humains ne sont qu’une vapeur; les hommes, un mensonge. S’ils montaient sur une balance, ils seraient, à eux tous, plus légers qu’une vapeur. Ne mettez pas votre confiance dans l’oppression, ne placez pas un espoir futile dans la spoliation;quand les richesses s’accroissent, n’y attachez pas votre cœur.

Donc, finalement peu de louange pure dans le recueil des Psaumes. La louange y est en général adossée à l’expérience, à la demande, à la dénonciation ou à la plainte.

Toujours dans la bible hébraïque nous avons d’autres éclats de louange.

Comme par exemple celle de Job 1,21, célèbre et souvent utilisée lors d’obsèques: « L’Éternel a donné, et l’Éternel a ôté ; que le nom de l’Éternel soit béni ! »

Mais tout deux qui ont fréquenté Job savent que la partie majoritairement expressive du livre de Job n’est pas de la louange. Quand Job parle, c’est essentiellement pour protester de son innocence face au malheur qui l’accable, dont celui de ses deuils.

Nous avons aussi le petit prophète Habacuc 3,17-18 , qui conclut son livre par une louange magnifique et de toute circonstance quand il dit :

« Car le figuier ne fleurira pas, la vigne ne produira rien […] Toutefois, je veux me réjouir en l’Éternel, je veux me réjouir dans le Dieu de mon salut. »…

Mais c’est le même prophète qui a commencé son livre par une adresse à son Dieu que personne d’entre nous n’oserait aujourd’hui proférer, je lis:

Pourquoi gardes-tu le silence quand un méchant engloutit plus juste que lui ? Tu traites les humains comme les poissons de la mer, comme les bestioles qui n’ont pas de maître. Tous, il les enlève à l’hameçon, il les tire dans son filet, il les recueille dans sa nasse. Alors il se réjouit, il est dans l’allégresse. Alors, il offre un sacrifice à son filet, de l’encens à sa nasse, car par eux sa part est grasse, sa nourriture copieuse. Alors, va-t-il vider son filet, et massacrer des nations constamment, sans épargner personne?

Difficile d’oublier un tel début, malgré la louange finale.

Ce que nous croyons être une masse évidente se révèlerait plutôt comme une figure de genre très relative. Ce qui provoque un soupçon qu’on ose à peine balbutier: il semblerait parfois qu’une louange finale ou non permettrait de faire passer beaucoup d’autres choses, beaucoup d’autres messages.

Comme un effet de rhétorique dans le style «  j’admire votre œuvre, sincèrement, cependant …. » .

Bien sûr, n’allons pas caricaturer en sens inverse. Disons simplement que la Bible hébraïque est un recueil qui à tout le moins rassemble des auteurs qui osent dire tout ce qu’ils ont sur le cœur, ce qui ne les empêche pas de louer leur Dieu, et dans cette louange sincère, il n’y aurait pas qu’un effet de forme, mais aussi de la confiance. Je peux élever ma complainte devant toi parce que je peux aussi te bénir.

Vous vous rappelez du florilège de citations de départ? Mais peut-être n’aviez vous pas remarqué qu’aucune n’était sortie des évangiles? Alors, il y a beaucoup de louanges dans les évangiles, et l’évangile de Luc est remarquable sur ce point puisqu’il relie de nombreux miracles de Jésus à des expressions de louange, de la foule. C’est essentiellement la foule qui loue dans cet évangile et après des miracles.

La foule, d’accord mais Jésus lui-même, est-il représenté comme un homme de louange ?

Non. D’après une étude, seulement 2 pour cent des paroles de Jésus sont des louanges explicites. Et encore, celle qui est souvent citée est la suivante. Elle décrit un moment où Jésus, saute, tressaille, exulte de joie par le Saint-Esprit. Un texte remarquable où il dit:

«  LUC 10, 21 : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi. …

Difficile de ne pas voir ici, certes une louange, mais aussi, vous en conviendrez, un peu d’ironie.

Les seules autres fois où Jésus exprime une louange, c’est dans Jean 11, 42. Cela se passe au moment de la résurrection de son ami Lazare; on entend: Et Jésus leva les yeux en haut, et dit: Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé.

Et sinon, c’est lors du repas de la Cène quand il rend grâce, mais en l’occurence, il s’agit d’un rituel.

Jésus suscite la louange; et même il l’enseigne et par ailleurs intercède, il prie, il se lamente, mais il loue très peu. Même s’il est devenu adoré, lui, en tous les cas il n’est pas présenté dans les évangiles comme quelqu’un qui loue. Certains diraient que sa louange, c’est l’action. Mais je préfère quant à moi, ne pas extrapoler. Ce n’est pas parce que quelque chose à laquelle on tient n’est pas mentionnée dans les évangiles qu’il faudrait la voir par un autre biais.

Finalement, cette évidence n’était pas si évidente que cela.

Mais il reste ce florilège de départ. Dont cette citation principale produite par un disciple de Paul dans la lettre aux Éphésiens: Parlez-vous par des cantiques, des hymnes et des chants spirituels; chantez et célébrez le Seigneur de tout votre cœur ;

Certaines traductions n’osent pas dire « parlez-vous » et disent «  entretenez vous » avec le double sens offert. Non, c’est littéralement «  parlez-vous avec des chants ». Parlez-vous, en gratitude mutuelle, par des cantiques. C’est peut-être ce que nous faisons quand nous élevons nos voix pour chanter durant un culte. Nous nous parlerions.

On pourrait croire tout de même qu’il ne s’agissait là que d’un simple trait; que d’une sorte d’encouragement imagé. Sans doute, mais la fréquence des autres exhortations similaires est troublante et on pourrait y voir bien plus que cela. Dans les deux lettres cette fois authentiques de Paul nous avons :

dans 1 CORINTHIENS 10,31 Ainsi, soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu.

Et dans 1 THESSALONICIENS 5, 16-19 Réjouissez-vous toujours, priez continuellement, rendez grâce en toute circonstance : telle est, à votre égard, la volonté de Dieu en Jésus-Christ. N’éteignez pas l’Esprit.

Ces exhortations viennent du temps des premières assemblées des croyants au Christ et font partie des tous premiers écrits dits chrétiens. Ces paroles illustrent en fait l’état d’esprit de ce premières églises nées quelques années après la mort de Jésus et qui sont encore dans l’effervescence de l’attente de son retour imminent. Ces premiers croyants au Christ devaient s’adapter à cette temporalité provisoire qu’ils vivaient intensément. Le temps se repliait sur eux. Même leur morale, leur éthique devait correspondre à cette situation d’urgence. Il n’était même plus conseillé de se marier. C’était un temps où il n’y avait plus ni juifs, ni grecs, ni homme ni femme, ni esclave ni homme libre car ces catégories là, ces distinctions-là, ces socles pourtant massifs, dans cette temporalité là, n’avaient plus aucun sens.

Paul ira jusqu’à résumer toute la loi à « aimer son prochain comme soi-même ». Il résume donc même le résumé fait par Jésus.

Dans cette temporalité là, il n’y avait plus rien à savoir d’autre que cet essentiel-là, que ce noyau incandescent.

Car oui, même la parole était touchée. La réalité ancienne était en train de s’évanouir.

Les mots face à ce qui était en train d’advenir allaient être eux aussi frappés de vanité, allaient être emportés par cette création nouvelle en train d’être engendrée. Ce n’est plus le temps des paroles vaines, des discours fonctionnels.

Dès lors, oui, la parole interpersonnelle pouvait, devait, ne pouvait que se transformer en louange et en cantique car seule la louange savait rester digne devant l’événement en train de se produire. L’esprit ne devait pas s’éteindre. Et des paroles vaines ne devaient pas contrecarrer cet esprit. Seule la gratitude pouvait encore dire quelque chose.

Le seul langage qui correspondait à cette temporalité était celui de la gratitude.

C’est de cette temporalité que nous sommes les héritiers même si pour nous l’urgence a pris d’autres formes. Et même si nous ne croyons plus, comme ces premiers croyants, à l’imminence du retour du Christ, nous ne sommes pas tellement différents, car pour eux comme pour nous, les jours sont comptés. Mais eux, le savaient.

Gardons ce principe de la louange, par les mots de gratitude et de reconnaissance, par le chant et par la musique.

Quand les mots se vident de leur sens, même ceux de nos plus nobles et plus belles prières, la louange est notre ultime ressource.

AMEN