Culte du dimanche 12 mai 1940
Prédication de André-Numa Bertrand.

Culte à l’Oratoire du Louvre 

 

12 mai 1940

 

Prédication du pasteur André-Numa Bertrand pour Pentecôte

 

J’ôterat de vos poitrines vos cœurs de pierre,et j’y mettrai un cœur de chair: je mettrai mon Beprit en vous..
Ezechiel 26, 26.

La première pensée qui nous vient devant cette parole n’est-elle pas que ce serait plutôt le moment de mettre dans nos poitrines des cœurs de pierre et d’en arracher les cœurs de chair? Non point certes que nous voulions nous mettre à l’unisson de la brutalité d’un monde pour qui la dureté est une vertu; mais il y a tant de souffrance autour de nous, tant de larmes et de sang versé, que ce n’est pas le moment de souhaiter aux chrétiens, et plus particulièrement à nos enfants, un cœur trop sensible pour recevoir le choc de tant de douleurs et de tant d’alarmes.

 

Et cependant, Chrétiens, nous perefeterone à demander pour nous-mêmes et pour nos enfants un cœur de chair: il faut avoir le courage de souffrir, il faut avoir le courage de regarder la vie en face, telle qu’elle est, et de l’sccueillir non avec des coeurs fermés, repliés sur leur égoleme, mais avec des imes ouvertes à Dieu. Seuls, nous fuirions peut-être devant is souffrance; mais ce qui nous incline à garder nos cosure vibrants et chauds, nos coeurs de chair,c’est la pomese que Dieu mettra son Esprit en nous, car avec lui nous pouvons aborder tout ce qu’une pareille attitude implique de faiblesse, de souffrance et de grandeur.

 

Aujourd’hui, jour de la Pentecôte, commémoration de l’Église naissante, naissante et aussitôt souffrante et persécutée, nous accueillons parmi nous nos jeunes frères et nos jeunes sœurs, autour des symboles du sacrifice devenus les symboles de l’éternelle Vis: aujourd’hui, jour de la

 

 

Pentecôte, est aussi la commémoration de l’Esprit répandu dane le coeur des croyants: et c’est par cette présence vivante de Dieu ๑ท nous, que la souffrance peut devenir féconde et que nous osons dire à nos enfants: Ne refusez pas de partager la souffrance du monde, faites. vous des coeurs simante, des cosure de chair; c’est à cela que Dieu vous appelle et q’est Lui qui empêche que vous soyez écrasés sous le poide de la vie,car avec Lui l’amour accepte tout, espère tout, supnor-te tout. Les deux choses sont liées: ou bien Dieu en nous, et alors des cosure de chair qu’il rendra capables de souffriret d’aimer.-car c’est par ces choses que l’on amède à la vie véritable: ou bien une de ane Dieu, et alors qu’on nous donne des coeure de pierre pour qu’ile ne se brisent pas sous le choc de la douleur.

Et phest parce que je vole le lien de ces deux choses, que j’ai voulu ce matin fixer votre attention sur la riche fécondité de la promesse: Je mettrai sur eux mon Esprit.

Nou

Je mettrai sur eux mon Reprit. Besayons d’abord de fixer avec précision le sens de cette expression que nous croyons comprendre d’em-blée, parce qu’elle éveille en nous l’idée d’une sorte d’inspiration, mai à laquele nous ne donnons en réalité qu’un sens tout à fait insuffisant. songeons à l’inspiration poétique ou littéraire, à cette exaltation momentanée des facultés créatrices de l’esprit, et nous supposons qu’il y a quelque chose d’analogue dans l’intervention en nous de l’Beprit: une vivacité particulière accordée à notre capacité de xxxx***** ressentir la présence de Dieu, ou même à notre capacité de l’exprimer et de la faire naître chez d’autres: une capacit inattendue de prier, d’ouvrir notre âme à Dieu: et certes tout cela correspond bien à une

 

réalité, et nous avons raison de rendre grâces à Dieu si dasy dons aus-si précieux nous sont accordés. Mais il me semble qu’il y a cependant quelque chose de plus profond dans lapromesse qui nous est faite, je veux dire quelque chose qui change plus radicalement notre être intime et notre personnalité véritable. Lorsque les Apôtres, au jour dela Pen-tecôte, furent saisis par la puissance de l’Esprit, cette possession intme se révéla chez eux sous la forme d’un enthousiasme qu’ balaya en un instant leurs craintes et leurs timidités, qui brisa aussi cette corte d’égoïsme spirituel qui les avait poussés à garder pour eux les trésors de l’Evangile, et leur donna la capacité de pénétrer dans les coeurs qui leur étaient jusqu’alors fermés, de parler à chacun le langage qu’il pouvaient comprendre et d’aller droit aux profondeurs dernières où se constitue la personnalité religieuse. Mais cas home. qu’ile allaient sinsi chercher dans leur mort spirituelle pour les ap-peler à la vie de l’Esprit, à la vie nouvelle que Christ engendre chez ses fidèoss, ne voyez-vous pas que l’Esprit créait tout autre chose qu’une intensité nouvelle de la vie religieuss, il crésit vraiment des personnalités nouvelles, il n’était pas seulement, selon les images caractéristiques de l’Ecriture, un föuqui réchauffe, un soufflequ vivifie et purifie, il était une puissance créatrice, par lequelle des personnalités nouvelles étalent engendrées.

L’oeuvre del’Esprit, lorsqu’il pénètre en nous, n’est pas seulement affaire d’intensité, de puissance: il est avant tout créateur, dans toute la force du terms. St Paul n’est pas un Saul de Tarse dont laforca a été multip 169; 11 est, dans tout le réalisme du mot, un autre homme. Un Esprit nouveau avait été mis en lui,qui n’est plus l’esprit du monde mais l’Esprit de Dieu. Pour reprendre le langage du prophète Bzéchiel: Dieu lul a enlevé son coer de pierre. Et sans doute on pourra retrouver

 

chez l’Apôtre certains traits de caractère de l’ancienne personnalité: 11 n’aura pas dépouillé son ardeur, sa passion, son impétuosité contre ceux qui se dressent contre le vérité; mais il dira, et toute l’huma-nité chrétienne avec lui, qu’il est un homme renouvelé, qu’il a reçu de l’Esprit le seule chose qui courte en Christ, et qui est d’âtre une nouvelle créature.

Voilà ce que Dieu donne, lorsqu’il met son Esprit en nous:

XX

Ainsi,dira-t-on, lorsque Dieu pénètre dans une âme, 11 in đó-pouille de sa personnalité profonde? Il en fait, non plus une individus lité originale, mais un exemplaire impersonnel d’un type humain qui se reproduit indéfiniment? L’apôtre en avait si bien conscience qu’il écri vait lui-même: Ce n’est plus moi qui vis,c’est Christ qui vit en moi. Il savait qu’il avait perdu sa personnalité, qu’i n’était plus qu’une copie, une copie d’après un original admirable, xxxx in comparable, mais enfin unscope. Or la première vocation de l’homme n’est-elle pas d’s-tre lui-même, d’être quelqu’un? n’est-ce pas une perte pour lui et pour l’humanité dans son ensemble, si sa personnalité originale doit céder la place à une personnalité d’emprunt?

Mes Frères, ne croyez pas que cette objection soit un simple jeu de l’esprit; c’est une réalité à laquelle la prédication de l’Evangile s’est souvent heurtée. Combien s’imaginent qu’on veut les dépouikker de leur personnalité véritable, qu’on veut couler tous les esprite dans le même coule et mettre sur tous les coeurs la même estampille! Si extraordinaire que cela puisse paraître, on craint que le chritianis-me ne soit uns écote de destruction pour la personnalité. Il semble cependant que quelques-une des garante du christianisme devant l’his-toire, Saint Paul, Saint Augustin et Pascal, devraient rassurer ceux

 

qui aiment les personnalités accusées; mais non, le refus de mourir pour renaître, le recul devant l’exigence du laitre: Mourir à soi-même, abandonner le vieil homme, fait craindre l’écrasement de la personnalit Essayons donc de voir ce qu’est une personnalité. Vous le savez bien, des Frères, et vous-mêmes, chers Enfante, si réduite que soit encore votre expérience et jeune votre réflexion. Chacun de nous porte en lui toute une série de forces ou de tendance, 19 une bonnes les autres mauvaises, les unes nobles les autres vulgaires ou même basses, les una qui nous poussent vers les cimea et les autres qui nous tirent vereles bas-fonds. Ces tendances dilleure peuvent être, elles sont même, directement opposées les unes aux autres: la présence en nous d’une certaine générosité n’exclut pas celle d’un certain égoïame; l’amour de la vérité n’exclut pas une tentation de disimuler, et sinsi de suite.Ces tendances, au fond, se tetrouvent toutes chez tout le monde ou peu s’en faut ce qui fa’t notre personnalité, notre caractère, c’est leur puissance relative, c’est la place que nous consentons à chacune d’elles, c’est la hiérarchie que nous établissons entre elles. Quelques-unes prennent en nous un tel développement qu’elles semblent but dominer autour d’elles, en sorte qu’elles paraissent constituer à elles seules notre personnalité, et nous avons alors l’impression qu’il ya en nous plusieurs personnalités qui se disputent la possession de notre vie. Ainsi St Paul trouvait deux hommes en lui; etle malheureux démoniaque délivré par Jésus digait: »Je m’appelle Légion », par où 11 entendait qu’en lui vivaient et s’agitaient une légion de forces chao-tiques qui luttalent pour s’assurer la primauté dans sa vie intérieure. Nous disons que nous avons constitué notre personnalité, lorsque nous avons choisi une de ces forces,et que nous avons assuré sa suprématie sur les autres: car alors nous avons donné une tate, un chef à notre légion intérieure, nous l’avons ramenée à l’unité. Mais n’arrive-t-il

 

pas souvent aussi que nous ne savonepar assurer cette suprématie, que ce n’est pas nous qui décidons de la victoire en nous de telle ou telle force, mais que nous laissons cette bataille intérieurs trouver son issue xxxxx en nous, par la victoire d’une force que nous n’avions ni voulue ni choisie; et les hommes disent que c’est moi, mais cependant moi je sais bien que ce n’est pas vrai que ce n’est pas moi, mais un stre qui s’est constitué en mot sans que je le veuille.

Et voyez-vous maintenant ce qu’entend l’Ecriture, lorsqu’elle dit que Dieu a envoyé en nous son Esprit,et ce que nous entendon nous-mêmes, lorsque nous disons que par là 11 n’a fait que dégagir notre personnalité suthentique? L’homme que je suis avec Dieu, ‘hom-me que Diet attend de moi,ce n’est ret-être pas, ce n’est même cer-tainementpas celui que javais laissé s’affirmer, se construire, peut-être par mon abdication, peut-être par ma complicité. J’avais nissa régner en moi des forces qui ne sontpes de Dieu. mis par sa grice, Dieu a brisé les tyrannies des forces intérieures, il a randu en moi la maîtrise aux éléments qui exprimaient en volonté, et qui expriment en même temps ma véritable nature d’enfant de Dieu: et en laissant, en faisant mourir ce moi que je has at qui s’était imposé à ma fai-blesse ou à mon péché, je dégage ma personnalité véritable. Lorsque bous disons que l’Esprit de Dieu est un esprit de sainteté, un esprit d’amour, un sprit de fol, nous affirmons en même temps que le jour où il s’empare de notre âme, il y crée ces mêmes forces, cesmêmes puissances qui crzactérisent son Esprit et qui constituent me pr sonnalité nouvelle d’enfant de Dieu.

Un homme qui a vraiment su construire en lui une personnalité, 11 mef semble que c’est un homme qui est tout ordre et harmonie,on qui chaque chose, ou pour parler plus exactement, chaque force, cheque tendance,

 

est à sa place, fidèle à l’ordre des hiérarchies divines. Tant qu’il y a déchirement intérieur, bataille et déshhrmonte, tant que les forces inférieures dominent celles qui ont la plus haute valeur, il n’y a qu’une apparence de personnalité. Mais quand Dieu a mis son Esprit en nous, quand Il a assuré cette forme joyeuse de l’obéissance qui s’appelle « la foi », alors notre personnalité vraie a trouvé en physionomie véritable, elle n’est pas une copie de la personnalité du Christ, elle est une création originale de la force qui est en Lui.

 

Car cette personnalité conforme à la volonté de Dieu, nous ne sommes pas réduits à l’imaginer, à la construire de toutes pièces, par notre imagination ou notre raisonnement: elle a marché parmi nous pleine de grâce et de vérité, et comme dit l’Apôtre, dans tout l’éclat de es gloire semblable à celle d’un Fils unique envoyé par son Père. Quel cœur de chair, quel cœur humain il a porté dans sa poitrine, Celui qui s’est penché sur nos routes, qui a aimé les pécheurs autant qu’il a hai le péché, celui qui n’a pas brisé le roseau froised, mais qui a pleuré sur la misère spirituelle de son peuple. Dans le monde où il a vécu, sans haine et sans fraude, il y avait comme dans le nôtre des forces qu proscrivaient toute liberté intérieure et qui ont fini par clouer le Sauveur à la Croix —et personne ne s’est dressé pour le défendre!

 

Aujourd’hui nous avons dressé la table de la commémoration, afin qu’il soit une fois encore au milieu de nous; nous avons dressé son visage devant nous, et maintenant dans le silence nous vous appelons à le rencontrer lui, non pas son souvenir seulement ou son image, mais lui, sa personnalité, sa puissance rénovatrice et bienfaisante.